J.O. 159 du 9 juillet 2005
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Avis n° 2005-A-5 de la Commission des participations et des transferts du 5 juillet 2005 relatif à l'ouverture minoritaire du capital de Gaz de France
NOR : ECOT0551042V
La commission émet l'avis suivant :
I. - Par lettre du 23 février 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en application de l'article 3 de la loi no 86-912 du 6 août 1986, a saisi la commission en vue de procéder à l'ouverture minoritaire du capital de la société Gaz de France autorisée par le décret no 2005-125 du 15 février 2005. L'article 24 de la loi no 2004-803 du 9 août 2004 dispose que l'Etat doit continuer de détenir plus de 70 % du capital de Gaz de France.
L'ouverture porte sur 22 % au maximum du capital de la société. Pour 60 % de son montant, elle consiste en une cession d'actions par l'Etat et pour 40 % en la vente d'actions nouvelles émises par Gaz de France par voie d'augmentation de capital. Le nombre d'actions cédées et émises est fixé par l'arrêté du 22 juin 2005 fixant les modalités de transfert au secteur privé d'une participation minoritaire de la société Gaz de France. L'opération comprend selon l'usage du marché une option de surallocation.
Les actions cédées sur le marché font l'objet d'une offre publique à prix ouvert (OPO) en France et d'un placement institutionnel, en France et sur le marché international, garanti par un syndicat bancaire (PGG). Les particuliers souscrivant à l'OPO bénéficieront d'une décote de 20 centimes d'euro par action ainsi que d'une action gratuite pour 10 acquises et conservées pendant dix-huit mois dans la limite d'un investissement de 4 575 euros. Ils bénéficieront aussi de la gratuité des droits de garde pendant dix-huit mois. Les conditions détaillées de la cession sont décrites dans la note d'opération qui a été visée par l'Autorité des marchés financiers le 22 juin 2005.
L'ouverture de capital comprend, dans la limite de 15 % de son montant, une offre aux salariés dans les conditions prévues aux articles 26 et 27 de la loi no 2004-803 du 9 août 2004. La commission a émis le 24 février 2005 un avis sur les modalités de cette offre.
II. - Gaz de France a été constitué en 1946 sous forme d'établissement public à caractère industriel et commercial, à la suite de la nationalisation des secteurs du gaz et de l'électricité. La loi no 2004-803 du 9 août 2004 l'a transformé en société anonyme.
Devenu essentiellement distributeur de gaz depuis le passage au gaz naturel, le groupe a acquis auprès de l'Etat en 2002 la propriété du réseau de transport de gaz et est titulaire de concessions de distribution de gaz de la part des collectivités locales. Gaz de France a entrepris par ailleurs une diversification vers l'amont (exploration et production), vers les services, vers des offres multi-énergies et vers les autres marchés européens dans le cadre de la libéralisation du marché du gaz.
Le groupe Gaz de France se présente aujourd'hui comme un opérateur intégré dont l'activité se répartit autour de deux grands pôles :
- la fourniture d'énergie et de services qui y sont associés (70 % du chiffre d'affaires et 29 % du résultat d'exploitation en 2004). Gaz de France est le troisième fournisseur de gaz naturel en Europe et un des plus grands acheteurs mondiaux. A fin 2004, il compte plus de dix millions de clients particuliers, segment où il détient 95 % de part de marché en France, et 580 000 professionnels. Gaz de France organise ses approvisionnements en s'appuyant principalement sur le portefeuille de contrats à long terme le plus diversifié en Europe. De plus, le groupe développe en Europe et au Maghreb depuis une dizaine d'années une activité d'exploration et de production qui, bien qu'encore limitée en terme de chiffre d'affaires (4 %), représente désormais près de la moitié du résultat du pôle (14 %). Gaz de France propose enfin des services complémentaires à la fourniture de gaz, tant aux particuliers qu'aux professionnels, sous les marques Cofathec et CGST Save ;
- la gestion des infrastructures (30 % du chiffre d'affaires et 71 % du résultat d'exploitation). Par l'importance de son réseau de transport, en position privilégiée au coeur de l'Europe, ainsi que du réseau de distribution dont il est concessionnaire (dans près de 8 900 communes), par ses capacités de stockage et de réception portuaire (terminaux méthaniers), Gaz de France dispose d'un ensemble d'actifs industriels stratégiques et a pu développer des compétences reconnues qu'il lui est désormais possible d'utiliser aussi à l'international.
Bien qu'elle n'ait été développée que depuis quelques années, l'activité internationale du groupe représente déjà 30 % de son chiffre d'affaires, essentiellement en Europe.
Le groupe Gaz de France emploie plus de 38 000 personnes, y compris, en équivalent temps plein, celles travaillant dans la direction commune créée avec Electricité de France.
III. - Le contexte concurrentiel dans lequel Gaz de France exerce son activité est en évolution rapide du fait de l'ouverture des marchés qui résulte des directives européennes :
- depuis août 2000, les grands clients (260 GWh/an) ont eu progressivement la faculté de s'adresser au fournisseur de leur choix (ils sont devenus « éligibles »), ce qui représentait environ 500 sites et 20 % du marché. De ce fait, la part de marché de Gaz de France sur ces grands clients est de 65 % à fin 2004 ;
- depuis le 1er juillet 2004, le libre choix du fournisseur est ouvert à tous les sites de consommation où tout ou partie du gaz consommé est destiné à un usage non résidentiel, soit 500 000 sites et environ 70 % du marché. L'effet de cette ouverture récente n'est pas encore mesurable ;
- le marché du gaz sera complètement ouvert en Europe à compter du 1er juillet 2007.
L'ouverture des marchés induit une concurrence plus forte en France sur le marché du gaz mais donne la possibilité à Gaz de France d'accéder aux autres marchés européens et, avec la suppression du principe de spécialité, d'offrir des services et la fourniture d'autres énergies (électricité en particulier).
IV. - La transformation de Gaz de France en société anonyme de droit commun, l'application des directives européennes sur le marché du gaz et la perspective d'une ouverture de capital ont conduit aux principales décisions suivantes :
- conformément aux dispositions des directives européennes, transposées par les articles 5 et 13 de la loi no 2004-803 du 9 août 2004, et en vue d'assurer aux tiers l'accès transparent et non discriminatoire aux réseaux, celui de transport de gaz a été filialisé début 2005 avec la création de la société Gaz de France Réseau Transport intégralement détenue par Gaz de France, tandis que le réseau de distribution a été confié depuis juillet 2004 à une direction indépendante des autres activités du groupe, Gaz de France Réseau Distribution ; auparavant, Total et Gaz de France avaient mis fin à leurs accords en se répartissant les réseaux communs (CEFEM et GSO) ;
- parallèlement, les règles de tarification de l'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel ainsi que des installations de gaz naturel liquéfié ont été définies par l'article 7 de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003, modifiée par la loi no 2004-803 du 9 août 2004. Ces tarifs sont fixés par arrêté sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie ;
- le même article 7 définit les règles de tarification du gaz naturel aux clients non éligibles (distribution publique). L'arrêté du 16 juin 2005 relatif aux prix de vente du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de distribution a fixé le mode d'évolution de ce tarif jusqu'au 31 décembre 2007 et prévoit notamment la répercussion progressive de la hausse des coûts d'approvisionnement ;
- l'Etat et Gaz de France ont conclu un contrat de service public qui précise les obligations de service public auxquelles la société est soumise : sécurité des installations et des approvisionnements, continuité de la fourniture, accès au service public, politique de recherche et de développement ;
- Gaz de France et Electricité de France ont créé au 1er juillet 2004 un opérateur commun EDF Gaz de France Distribution, séparé comptablement, qui a pour missions la réalisation des travaux de construction, d'exploitation et de maintenance des réseaux ainsi que le relevé des compteurs de la clientèle ;
- le régime spécifique de financement des retraites des entreprises de la branche des industries électriques et gazières a été réformé. Les droits de base ont été adossés au régime de sécurité sociale de droit commun, moyennant le versement d'une contribution exceptionnelle à la CNAV ; le fonctionnement est assuré par la Caisse nationale des industries électriques et gazières. Les droits spécifiques passés afférents aux activités régulées sont financés par une contribution tarifaire. Les autres droits spécifiques restent à la charge de l'entreprise et ont fait l'objet de contrats de couverture auprès de compagnies d'assurances.
V. - Durant l'exercice 2004, Gaz de France a réalisé un chiffre d'affaires de 18,1 milliards d'euros, en augmentation de 8,9 % par rapport à l'exercice précédent qui était lui-même en hausse de 14,4 % par rapport à l'année 2002. Cette évolution résulte essentiellement en 2004 de la croissance soutenue des ventes de gaz en volume en France (+ 10 %) et en Europe (+ 18 %) tandis que les recettes provenant de la gestion des infrastructures demeuraient stables et que le chiffre d'affaires du segment exploration production progressait fortement (+ 37,8 %) du fait de l'évolution du prix du pétrole.
Le résultat d'exploitation de 1 598 millions d'euros, soit une marge de 8,8 %, est en baisse de 15 % par rapport à 2003 en raison de provisions et amortissements exceptionnels (448 millions d'euros) visant à prendre en charge le coût total du remplacement des canalisations de fontes grises dont le programme a été accéléré. Cette prise en charge a pesé sur le résultat du pôle infrastructures qui sinon aurait été stable, alors que le résultat du pôle fourniture d'énergie progressait fortement (+ 31,3 %).
Le résultat net, part du groupe, est passé de 910 millions d'euros en 2003 à 1 046 millions en 2004, soit une hausse de 14,9 %.
Le bilan consolidé de Gaz de France au 31 décembre 2004 fait apparaître des capitaux propres, part du groupe, de 10,4 milliards d'euros en augmentation de 8,2 % par rapport au 31 décembre 2003. Le montant de l'endettement net s'établit à 4,4 milliards d'euros, soit en diminution de 14,6 %. Le ratio dette nette/capitaux propres (y compris intérêts minoritaires) s'établit à 42 %.
Au cours du premier trimestre 2005, le chiffre d'affaires de Gaz de France a enregistré une hausse de 21,5 % en données pro forma par rapport à la même période de l'exercice 2004. Cette progression a résulté de l'augmentation des prix des hydrocarbures et de la croissance des ventes (+ 5 % en volume). Le groupe a pu confirmer son objectif de croissance de l'excédent brut d'exploitation de 4 à 7 % sur la période 2005-2008 ; cette croissance devrait toutefois en 2005 être comprise entre 0 et 3 % en raison des modalités de rattrapage progressif des prix de vente fixé par l'arrêté du 16 juin 2005 susvisé. L'objectif d'un résultat net supérieur à 1,5 milliard d'euros a été maintenu (hors coûts éventuels de l'offre aux salariés liée à l'introduction en bourse).
Depuis le début de l'année 2004, Gaz de France s'est préparé au passage aux normes comptables internationales IFRS. Les principaux changements méthodologiques résultant des nouvelles normes ont été présentés dans le document de base visé par l'Autorité des marchés financiers (chapitre 5.5) ainsi qu'une version préliminaire des états financiers 2004 selon les normes IFRS. Ces états font apparaître pour 2004 un « produit des activités ordinaires » de 17,7 milliards d'euros, un « résultat opérationnel » de 2,5 milliards et un résultat net consolidé (part du groupe) de 1,3 milliard, tandis que les capitaux propres (part du groupe) s'élèvent à 10,65 milliards et l'endettement financier net à 4,5 milliards au 31 décembre 2004.
VI. - Gaz de France a indiqué qu'il entend poursuivre sa stratégie de développement sur le marché européen de l'énergie selon les grandes orientations suivantes :
- le renforcement des activités de fourniture d'énergie et de service grâce à une fidélisation de la clientèle, un développement des offres multiservices et multi-énergies et une augmentation de sa présence en Europe, avec l'objectif d'avoir à terme 15 millions de clients et 15 % de part de marché en Europe ;
- le développement des ressources de gaz en privilégiant les contrats à long terme, en accroissant la production propre du groupe avec l'objectif de maîtriser à terme 15 % des ventes directes du groupe, en développant l'activité de négoce et en mettant en oeuvre une politique d'approvisionnement en électricité ;
- le renforcement de sa position de gestionnaire d'infrastructures gazières par la poursuite des investissements dans les infrastructures en France, la recherche des gains de productivité et le développement de l'activité internationale ;
- la poursuite d'une politique de croissance maîtrisée visant à des investissements rentables en Europe dans le cadre d'une structure financière saine et d'une augmentation régulière du résultat.
S'agissant plus particulièrement des investissements, le groupe a annoncé un plan important d'un montant global de 17,5 milliards d'euros jusqu'en 2008 au financement duquel doit contribuer l'augmentation de capital qui accompagne l'introduction en bourse. Gaz de France vient notamment d'annoncer l'acquisition de la majorité du distributeur de gaz roumain Distrigaz Sud ainsi que la prise de contrôle du groupe belge SPE conjointement avec la société britannique Centrica.
VII. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de Gaz de France en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.
A cettte fin, elle a disposé des rapports des banques conseils de l'Etat et de celles de l'entreprise qui ont retenu en l'espèce quatre méthodes d'évaluation :
- les comparaisons boursières : les multiples moyens des sociétés cotées comparables ont été appliqués aux agrégats financiers de Gaz de France. Les banques conseils ont étudié une quinzaine de sociétés européennes cotées exerçant leur activité dans la commercialisation du gaz, les infrastructures régulées ou qui sont des acteurs multiénergies ou « utilities ». Les multiples privilégiés ont été, sur les années 2005 et 2006, ceux d'EBITDA et de résultat net (PER) ;
- l'actualisation des flux de trésorerie sur la base d'un plan d'affaires élaboré par Gaz de France jusqu'en 2010 et le cas échéant modifié et prolongé par les banques. La valeur résiduelle a été déterminée selon l'hypothèse d'une croissance de 1 % à l'infini. Le calcul a été fait avec un taux global de coût moyen pondéré du capital ; la banque conseil de l'Etat a également présenté une répartition en six segments auxquels des taux d'actualisation différents ont été appliqués ;
- la somme des parties : les banques conseils ont distingué quatre ou cinq parties : l'exploration-production, l'achat-vente d'énergie et les services (scindés en deux parties par les banques conseils de l'entreprise), les activités régulées en France, le transport et la distribution à l'international. Chacune des parties a été évaluée, dans la mesure du possible, tant par la méthode de l'actualisation des flux que par celle des multiples de sociétés comparables ;
- l'actualisation des flux de dividendes sur la base des hypothèses de distribution mentionnées par l'entreprise.
Les quatre méthodes utilisées conduisent les banques conseils à présenter des évaluations convergentes.
Le résultat des évaluations est sensible à la prise en compte des risques résultant tant de l'évolution de l'environnement économique (prix des hydrocarbures et cours du dollar) que de l'ouverture des marchés à la concurrence (risques de pertes de parts de marché) et de l'évolution du contexte institutionnel (cadre tarifaire, régime des concessions, remise en état des sites en fin d'exploitation).
VIII. - La commission observe que Gaz de France dispose de positions fortes et d'expertise reconnue dans ses deux pôles essentiels d'activité : l'achat-vente d'énergie et la gestion d'infrastructures de transport, de terminaux méthaniers, de stockage et de distribution. La récurrence et la visibilité des résultats, ainsi qu'une situation financière solide que va renforcer l'augmentation de capital, créent des conditions favorables à la mise en oeuvre d'un plan de croissance rentable fondé sur d'importants investissements. Le groupe se prépare ainsi à faire face aux défis et aux chances qui résultent de l'ouverture des marchés de l'énergie qui sera complète dans deux ans.
Les réformes intervenues au cours des derniers mois ont renforcé la visibilité de son environnement pendant les prochaines années : réorganisation du financement des retraites, modalités de fixation des tarifs d'utilisation des réseaux et de vente aux clients « non éligibles ».
La commission relève par ailleurs que les conditions actuelles sur les marchés financiers sont favorables à l'introduction en bourse de Gaz de France. Le marché primaire des actions a connu depuis le début de l'année, en dépit des incertitudes sur l'environnement macro-économique, un niveau d'activité élevé grâce notamment aux liquidités importantes dont disposent les investisseurs.
Du point de vue des performances boursières, le secteur des « utilities » (indice DJ Euro Stoxx Utilities) a enregistré sur les douze derniers mois une hausse nettement supérieure à celle de l'ensemble de la cote européenne (indice DJ Euro Stoxx). Parmi les valeurs concernées, les sociétés de transport et de distribution ainsi que les « utilities » intégrés ont bénéficié des plus fortes hausses.
De nombreux analystes ont publié des études sur Gaz de France à l'occasion de l'introduction en bourse. Leurs recommandations s'appuient le plus souvent sur des objectifs de valorisation élevés. Les analystes soulignent que Gaz de France présente un profil séduisant d'opérateur intégré qui dispose de positions majeures dans ses différents métiers. Ils considèrent que le socle d'activités régulées procure une bonne visibilité des revenus et des flux de trésorerie et qu'il offre une marge de sécurité pour la croissance programmée pour les prochaines années. Ils mettent aussi en valeur le profil de risque mesuré de l'entreprise qui dispose d'une structure financière forte. Leurs incertitudes portent sur l'évolution des parts de marché, des tarifs et des prix d'approvisionnement ainsi que sur la rentabilité des investissements à venir.
Enfin, les informations communiquées à la commission sur le début des souscriptions montrent que la confiance des investisseurs tant particuliers qu'institutionnels se traduit par une demande soutenue.
IX. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de Gaz de France ne saurait être inférieure à 21,5 euros par action, soit environ 19,4 milliards d'euros pour les 903 000 000 actions composant le capital social avant l'augmentation de capital.